Flexibilité, autonomie, absence de hiérarchie… Les avantages du travail indépendant sont nombreux. Cependant, la précarité inhérente à cette forme de travail ne doit pas être sous-estimée. En cas d’arrêt de leur activité, en effet, les indépendants ne disposent pas de réel filet de sécurité. Le fonds de solidarité instauré par le gouvernement en réponse à la crise du Covid-19 s’avère complexe et restrictif ; quant à l’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), mise en place par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, elle n’est versée que pour une durée de 6 mois. Son montant est par ailleurs très faible : 26,30 € par jour, ce qui correspond à environ 800 € par mois. Depuis la création de cette allocation, seuls 911 travailleurs indépendants ont été indemnisés, bien loin des 30 000 bénéficiaires estimés par l’étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

 

En février 2021, le nombre de demandeurs d’emploi a enregistré une hausse de 0,6 %, soit 23 000 inscrits en plus à Pôle Emploi. 3,816 millions de Français sont désormais sans activité, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiés le 25 mars. Face à un tel constat, la question se pose de savoir quels outils peuvent être utilisés dans la lutte contre le chômage, mais aussi contre la précarité du travail indépendant. Et si le portage salarial était la solution ?

 

Rappel : comment fonctionne le portage salarial ?

 

Apparu dans les années 1980 à l’initiative de cadres au chômage, le portage salarial est une relation tripartite entre un travailleur salarié (le “porté”), la société de portage et l’entreprise cliente. L’article L1251-64 du Code du travail définit ainsi le portage salarial comme « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. ». Le salarié porté, indépendant dans la gestion de son activité, utilise donc un intermédiaire (l’entreprise de portage salarial, ou EPS) afin de convertir son chiffre d’affaires en bulletin de salaire. D’un point de vue contractuel, l’EPS signe une convention de prestation avec l’entreprise cliente et un contrat de travail (à durée déterminée ou indéterminée) avec le salarié porté. 

 

Concrètement, le salarié porté réalise des prestations auprès de ses clients. Le règlement de ses prestations est perçu par la société de portage salarial, qui verse ensuite au salarié porté son chiffre d’affaires mensuel sous forme de bulletin de salaire (après déduction des frais de gestion de l’EPS compris entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires du porté). La partie administrative et comptable, tant redoutée des entrepreneurs, est donc gérée par la société de portage, ce qui permet au salarié de se concentrer entièrement sur ses missions. 

Par ailleurs, le salarié porté bénéficie de la même couverture sociale qu’un salarié classique. Le portage salarial s’adresse aussi bien aux seniors expérimentés qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat qu’aux créateurs d’entreprise et aux jeunes diplômés qui souhaitent tester leur capacité à attirer et à maintenir une clientèle.

 

Un outil qui s’inscrit dans le mouvement des nouvelles formes d’emploi

 

Agile, flexible, sans risques… Le portage salarial s’inscrit pleinement dans le mouvement des nouvelles formes d’emploi qui privilégient la notion de coopération à celle de subordination. Ce savant mélange de flexibilité (pour les clients finaux) et de sécurité (pour les salariés portés) attire de plus en plus l’attention des pouvoirs publics. Il pourrait notamment s’imposer dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants que le Ministre délégué aux PME, Alain Griset, devrait présenter d’ici à la fin du mois d’avril. De nombreux acteurs politiques ont par ailleurs défini le portage salarial comme un levier de lutte contre le chômage, en ce qu’il offre à toute une frange de la population active des opportunités entrepreneuriales, tout en diluant le risque engendré par ces dernières.  Le portage salarial étant source de protection pour les travailleurs indépendants, son ouverture au plus grand nombre doit désormais être considérée. Dans ce cadre, il doit être envisagé de permettre aux salariés portés de pouvoir proposer leurs services au même taux horaire minimum que n’importe quel salarié.

 

Par ailleurs, le niveau de qualification minimum en portage salarial ne semble plus être en phase avec la sociologie nouvelle des salariés portés. En effet, la convention collective de branche du 22 mars 2017 dispose que le salarié porté doit être au minimum titulaire d’une qualification professionnelle de niveau III, ce qui correspond à la validation d’un premier cycle de l’enseignement supérieur (BTS, DUT…). Une règle discriminatoire pour les travailleurs qui ne disposent pas d’un tel niveau d’études. Enfin, le portage salarial pourrait être ouvert, dans le cadre d’une expérimentation, aux travailleurs des plateformes de la mobilité (chauffeurs VTC, livreurs). Cette ouverture initialement proposée dans le cadre du rapport Frouin “Réguler les plateformes numériques de travail”, remis au Premier ministre en décembre 2020, est une solution innovante pour les travailleurs des plateformes qui souhaitent sortir de la précarité. Cependant, la FEPS ne souhaite pas que ce choix puisse être imposé à ces travailleurs. En effet, le portage salarial ne doit pas être une contrainte, mais un choix de vie. L’ensemble de ces mesures pourrait donc permettre une extension du portage salarial à toute une partie de la population active qui ne peut aujourd’hui en bénéficier, participant ainsi à la lutte contre l’inexorable hausse du chômage en France.

A lire aussi : l’état du marché du portage salarial en 2021. 

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