La Fédération des entreprises de portage salarial a accueilli avec un intérêt certain les conclusions du Rapport « Réguler les plateformes numériques de travail » de Jean-Yves FROUIN. Le rapport propose, entre autres mesures, de recourir à un tiers pour salarier les travailleurs des plateformes de la mobilité sans pour autant mettre à mal le business model de ces dernières. Nous pensons que le portage salarial pourra sans difficulté remplir ce rôle et s’adapter à ce nouveau secteur. Pour ce faire, et pour convaincre les travailleurs des plateformes du caractère protecteur de ce statut novateur, nous défendons le principe de l’expérimentation.

Nous nous différencions du rapport FROUIN dans la mesure où nous ne souhaitons pas qu’une solution, quelle qu’elle soit, puisse être imposée aux travailleurs des plateformes. Nos échanges avec les plateformes nous ont confortés dans cette position. En effet, nous pensons que le passage au portage salarial doit correspondre à un choix de vie que le travailleur indépendant doit pouvoir faire en toute liberté.

Le portage salarial, un modèle viable économiquement et socialement

Alors que les plateformes avec lesquelles les travailleurs indépendants de la nouvelle économie collaborent ont permis de révolutionner les marchés de la livraison de repas et des transports et que les Français semblent plébisciter (1) ces nouveaux outils, plusieurs questions continue de se poser au législateur : Comment sécuriser les relations contractuelles entre les plateformes et leurs collaborateurs ? Comment concilier le business model des plateformes avec des conditions de travail et de protection sociale satisfaisantes pour ses travailleurs ? Comment garantir une indépendance réelle aux travailleurs des plateformes ?

La situation actuelle est loin d’être satisfaisante : le risque de requalification du lien de collaboration en contrat de travail pèse sur le développement de l’activité des plateformes, les travailleurs connaissent des situations de grandes précarités et ne sont pas en mesure de négocier l’amélioration de leurs conditions de travail avec les plateformes. Dans ce cadre, le portage salarial semble pouvoir répondre aux différentes problématiques évoquées. Ce dispositif permettrait à la fois d’éloigner le risque de requalification, de garantir l’accès à des droits sociaux nouveaux pour les travailleurs des plateformes et d’offrir un cadre au dialogue social pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

Ouvrir le portage

Aujourd’hui 60 %(2)des actifs sont exclus du portage salarial ce qui constitue une atteinte à la liberté d’entreprendre. Aussi, dans le cadre de l’expérimentation de trois ans que nous proposons, nous appelons à inscrire dans la loi une série de dérogations visant à l’établissement d’un portage salarial viable et inclusif pour les travailleurs des plateformes :

  • Réviser le niveau de qualification requise en portage salarial

La convention collective du 22 mars 2017 dispose que le salarié porté est au minimum titulaire d’une qualification professionnelle de niveau III correspondant à la validation d’un premier cycle de l’enseignement supérieur(3). A titre d’exemple, les données publiées par UBER nous apprennent que seulement 37 % des chauffeurs de la plateforme disposent d’un tel diplôme.   Nous déplorons qu’il ait pu être considéré que seuls les diplômés de l’enseignement supérieur peuvent être capables d’autonomie dans la prise de décision et dans la conduite de leur activité. En conséquence, nous appelons à mettre fin à cette discrimination au bénéfice des travailleurs des plateformes.

  • Supprimer la rémunération minimale spécifique au portage salarial

Rappelons qu’en l’état actuel, un salarié porté doit être rémunéré au minimum à hauteur de 75 % du plafond de la sécurité sociale(4). Or, en moyenne un chauffeur VTC se rémunère à hauteur de 1617 euros par mois.(5)

A l’instar de ce qui a été prévu dans le cadre de l’ouverture du portage salarial aux contrats de professionnalisation, nous demandons que les travailleurs des plateformes soient exclus des dispositions de l’article L1254-2 alinéa 2 du Code du travail. Ainsi, les EPS pourront rémunérer ces nouveaux salariés portés en partant du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

 

  • Exclure les travailleurs des plateformes des dispositions conventionnelles relatives à la durée du contrat de prestation

En portage salarial, un contrat de prestation entre une entreprise cliente et une EPS ne peut excéder 36 mois. Cette limitation a été conçue pour empêcher les entreprises clientes de recourir au portage salarial pour l’exécution de tâches relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise. En l’espèce, le travailleur de plateforme, même si le contrat de prestation établi entre l’EPS et la plateforme dépasse les 36 mois, propose ses prestations à une multitude de clients.

  • Des taux de cotisations sociales adaptés

Afin de s’assurer de la viabilité du portage salarial auprès des travailleurs des plateformes, nous appelons à une application élargie aux cotisations salariales de la réduction générale des cotisations patronales (ex-réduction « Fillon »). Il conviendrait d’appliquer les mêmes abattements pour les cotisations vieillesses, la CSG et la CRDS dues par les salariés.

Enfin, rappelons que pour que la relation tripartie entre travailleurs des plateformes, EPS et plateformes se déroule dans les meilleures conditions possibles, il conviendra d’opérer un partage des charges qui ne pourront pas exclusivement reposer sur le salarié porté des plateformes.

 

  1. 36 % des Français ont recours aux services proposés par ces plateformes du numérique (Institut Montaigne, « Travailleurs des plateformes : liberté oui, protection aussi », avril 2019).
  2. Etude de marché FEPS 2019
  3. Niveau Bac +2
  4. 2288 € brut/mois à temps plein
  5. Données publiées par UBER

A lire aussi : Adapter le portage salarial aux travailleurs des plateformes.

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