Le 3 septembre 2019, un jugement du Tribunal de grande instance de Paris a annulé une série de contraintes et mises en demeure de l’URSSAF (pour plus de 700 000 euros) adressées à une entreprise de portage salarial, liées à des avances sur rémunérations. Cette décision de jurisprudence ouvre la voie à d’autres décisions en matière de sécurité sociale, compte tenu des particularités du dispositif du portage salarial.
A. Rappel des particularités du portage salarial
Le contrat de travail entre le salarié porté et l’entreprise de portage relève du régime général de la sécurité sociale. La société de portage est également liée par un contrat commercial avec une entreprise cliente, qui bénéficie de la prestation du salarié porté. Cette relation tripartite traduit un ensemble contractuel, indissociable, qui forme un tout.
La société de portage ne contrôle pas le travail du salarié porté. Le Code du travail prévoit même que les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne sont pas rémunérées, ce qui est complètement dérogatoire à l’obligation de l’employeur de fournir du travail à son collaborateur. D’ailleurs, la convention collective nationale des salariés en portage salarial précise que ce critère d’autonomie est un prérequis pour accéder au statut de salarié porté.
Le rôle de la société de portage, qui embauche le salarié porté, est en réalité de transformer un chiffre d’affaire en salaire et d’effectuer les démarches administratives liées à l’activité. Le salarié porté reste responsable de son rythme d’activité puisqu’il doit effectuer son propre démarchage commercial auprès d’entreprises clientes pour trouver des missions et reste libre de son organisation.
Le client facture auprès de la société de portage, qui reverse ensuite un pourcentage, après déduction de ses frais de gestion, au porté.
B. Décision de justice
Dans une affaire soumise au Tribunal de grande instance de Paris, une entreprise de portage salarial a refusé de payer, à la date exigée par l’URSSAF, les cotisations sociales correspondant à des avances sur rémunération faites aux portés.
La société ne contestait pas, en tant qu’employeur, devoir des cotisations en fonction des activités des collaborateurs mais contestait la date d’exigibilité. Elle soutenait que la seule preuve de la réalité du travail effectué par le salarié porté, compte tenu de l’absence de contrôle effectif par la société de portage, était le paiement de la facture par l’entreprise cliente, lequel intervient généralement entre 45 et 60 jours après émission de la facture. Pour la société, c’est donc l’encaissement de la facture par l’entreprise de portage salarial qui cristallise le lien de subordination, la seule preuve du travail effectué par le salarié étant le paiement de la facture par l’entreprise cliente.
De façon classique, au vu de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, l’URSSAF considérait que le fait générateur des cotisations résidait dans le versement de l’avance sur rémunération effectuée par la société aux consultants portés et que le règlement des avances démontrait l’effectivité du travail accompli.
L’URSSAF considère dès lors les cotisations sociales afférentes immédiatement exigibles, ce qui peut alors provoquer d’importantes difficultés de trésorerie pour l’entreprise de portage compte tenu du décalage temporel et l’impossibilité d’obtenir une attestation de compte à jour.
Notons que depuis le 1er janvier 2018, le fait générateur du paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale est défini par référence à la notion de période de travail. Les cotisations et contributions sont ainsi calculées, pour chaque période de travail, sur l’ensemble des revenus d’activité versés aux salariés.
Par jugement du 3 septembre 2019 (RG: 18/00257), le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit, sur le fond, à l’argumentaire de la société en relevant que la seule preuve de la réalité du travail effectué par le salarié porté était le paiement de la facture par l’entreprise cliente.
Le Tribunal a estimé que, en dépit des avances de rémunération avant la réalisation de la prestation, les cotisations sociales afférentes n’étaient pas encore exigibles.
Dès lors, le Tribunal a annulé une série de contraintes et mises en demeure adressées par l’URSSAF à la société de portage salarial pour un montant de plus de 700.000 € en l’espèce.
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