Que ce soit pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, ou même pour préserver la liberté de circulation des travailleurs, l’Union européenne doit se saisir de la question des statuts hybrides tel que le portage salarial.
Aujourd’hui, le secteur se caractérise au plan européen par une vraie hétérogénéité dans ses contours et ses pratiques : de nombreuses législations et statuts qui rendent peu lisible une organisation du travail qui pourtant fonctionne simplement …
Le problème réside d’abord dans l’apathie et la lenteur législative de l’Europe. Si des négociations ont été entamées depuis plusieurs années dans les pays membres, l’UE semble quant à elle en panne. Elle n’a organisé aucun vrai travail législatif sur la question. A cause de ces incertitudes et atermoiements juridiques, le portage salarial n’occupe pas la place qui devrait être la sienne dans l’économie européenne d’aujourd’hui. Si un tiers des Américains travaillent en indépendants, en Europe, le portage salarial continue d’être méconnu voire inconnu par une majorité des travailleurs. Cette nouvelle forme d’emploi concerne pourtant des centaines de milliers d’Européens indépendants qui veulent organiser leur activité en autonomie tout en bénéficiant des mêmes droits que les salariés.
Il est donc urgent d’harmoniser les règlementations encadrant le portage salarial au sein de l’UE, ne serait-ce que parce que des sociétés de portage permettent à leurs portés de travailler dans plusieurs pays européens. Elles sont donc en droit d’attendre une convergence des normes et des règlementations.
Si on souhaite harmoniser le cadre et les pratiques du portage, cela commence par une organisation commune : c’est précisément dans ce but que fut fondée la FEPS, seul syndicat européen du portage salarial et des nouvelles formes d’emploi. C’est ensuite aux pouvoirs publics de proposer des orientations partagées et suffisamment souples pour s’adapter aux besoins des différents Etats membres, afin d’offrir plus de liberté aux indépendants européens.
60 000 Français ont aujourd’hui recours au portage salarial. Au Royaume-Uni, ce sont plus de 300 000 « contractors » qui se font porter par les « umbrella companies ». Etant donnée la situation incertaine du pays après le Brexit, il ne faut pas attendre une initiative britannique sur le sujet. Les négociations avec l’UE porteront davantage sur la libre circulation des travailleurs.
C’est pourquoi la France doit prendre le leadership sur la question du portage salarial. L’hexagone était déjà l’un des premiers pays à reconnaître cette nouvelle forme de travail. L’ordonnance de 2015, que le Parlement ratifiera prochainement, est un premier pas dans ce sens, encore imparfait. Cette ordonnance donne à la profession un cadre légal complet mais peine toutefois à appréhender les situations vécues concrètement sur le terrain. Espérons que si l’Europe s’attaque à l’harmonisation du statut elle parviendra à infléchir la position française qui manque de souplesse.
Et les autres pays européens (Pays-Bas, Danemark, Suède, Belgique …) sont également concernés par le portage salarial. La vague du travail indépendant et la création de nouveaux statuts hybrides se font ressentir partout en Europe. Il est maintenant indispensable que l’Union Européenne ne manque pas le coche en accompagnant le développement du travail autonome pour que les pays membres puissent bénéficier d’un regain de croissance.
Encore une fois, la France, qui peine à relancer sa croissance et à réduire son chômage, doit être aux avant-postes de ce mouvement d’extension du portage salarial, et nous l’accompagnerons.
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